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Justice 67

LAUREAT ARTCENA 2022

« Je savais à présent que, jusque dans la moelle de mes os, j’étais liée à mes contemporains; je découvris l’envers de cette dépendance : ma responsabilité »

La force de l’âge, Simone de Beauvoir

Equipe de Conception

Texte : Frédéric Barriera et Guillaume Mouralis

Mise en scène : Frédéric Barriera 

Vidéo : Pierre-Jerôme Adjedj 

Musique : Thorsten Bloedhorn

Scénographie, costumes, accessoires : Christèle Lefebvre

Lumières : Carl Bergerard
Avec : François Bartier, Carl Bergerard, Emma Debroise,
Christèle Lefèbvre

Partenaires

ARTCENA
Conseil départemental de la Manche
commune d’Anneville en Saire (Manche)
Théâtre Lisieux Normandie
Les Fours à Chaux, Regnéville-sur Mer
Sur Mesure
Le Rino l’a vu
Theatransit
Laboratoires d’Aubervilliers
Théâtre de l’opprimé (Paris)

Le projet

Justice 67 est un projet artistique porté par Paris-Berlin Cie qui associe recherches en sciences sociales, théâtre, vidéo et musique. Il s’agit de réunir des artistes autour d’un corpus documentaire concernant un événement judiciaire singulier, le tribunal Russell qui s’est tenu en Suède et au Danemark en 1967.

Ce tribunal d’opinion a réuni des intellectuels et des artistes du monde entier (Bertrand Russell pour le Royaume-Uni, Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir pour la France, Günter Anders pour l’Allemagne, Peter Weiss pour la Suède, James Baldwin pour les États-Unis etc.) pour juger des crimes commis par les États-Unis durant la guerre du Vietnam. Ce tribunal retourne en quelque sorte le dispositif du tribunal de Nuremberg contre un de ses initiateurs.

A travers le tribunal Russell, ces citoyens « ordinaires » décident de rendre justice quand la justice elle-même manque à ses obligations de sanctionner les crimes internationaux les plus graves, dont le crime de génocide. Il pose la question de l’engagement des intellectuels, des artistes et des citoyens dans le champ judiciaire, non seulement comme moyen d’alerter l’opinion mais plus encore comme mode d’action alternatif à d’autres formes d’interventions et d’engagement.

Ce projet entre en résonnance de manière forte et singulière avec les urgences de notremonde contemporain. Le déclenchement de la guerre en Ukraine induit des effets demiroir. Le spectacle fait par ailleurs entendre clairement l’exigence d’une justicecitoyenne s’exerçant hors des cadres institutionnels. Enfin, ce projet fait dialoguerthéâtre et recherches en sciences sociales et sollicite la société civile dans une logique participative.

Le texte et la mise en scène

Le texte a été écrit par Frédéric Barriera (auteur-metteur en scène) et Guillaume Mouralis (chercheur au CNRS) principalement à partir des minutes du Tribunal Russell qui s’est tenu en deux sessions, à Stockholm et à Roskilde, en 1967, mais aussi à partir de sources variées (archives du procès, écrits des protagonistes et documents visuels et sonores produits à l’occasion du procès lui-même).

Le texte Justice 67 est lauréat de l’Aide nationale à la création de textes dramatiquesd’Artcena de la session de novembre 2022.

Nourrie par la tradition du théâtre documentaire, l’élaboration du texte s’est aussi appuyée sur la recherche en sciences sociales. La mise en scène fait par ailleurs appel à la vidéo, ainsi qu’à un travail spécifique sur le son et le corps.

La pièce se déroule en 9 cercles. Chaque cercle fait entendre des témoignages de victimes, des paroles d’experts (médecins, experts enbalistique…) mais aussi de soldats américains qui ont accepté de témoigner sur leurs propres exactions.

Des documents d’archives visuels ou sonores ainsi que de la vidéo en captation directe sont intégrés au dispositif scénique.

Ce procès doit répondre à cinq chefs d’inculpation, dont le plus grand : les États-Unis ont-ils commis un génocide au Vietnam ?

On assiste entre les cercles à des échanges entre Sartre, Beauvoir, Le Tiers et L’Autre, exprimant un recul réflexif sur les enjeux du tribunal et ses hésitations.

Un chœur, à l’image du chœur antique, fait entendre une parole citoyenne, celle des « anonymes » qui tentent de s’approprier la justice dans le monde qui est le nôtre.

Des moments de chant viennent ponctuer régulièrement le déroulé scénique, comme des respirations, des reprises de souffle. Comme aussi pour nous rappeler notre appartenance à la même communauté humaine par des moments de vibration commune.  

Le texte, comme la mise en scène, empruntent donc à la technique du collage, de la réécriture, font s’interpénétrer le réel et la fiction dans un dispositif diffracté. Avec Justice 67, nous voulons parcourir l’esthétique de la tradition du théâtre documentaire, depuis Piscator jusqu’à Milo Rau en passant par Peter Weiss. La question esthétique est interrogée dans sa dimension politique : la vidéo en direct interroge la « source » du témoignage, l’ancrage des voix ; des extraits d’archives interrogent l’image comme « preuve », comme « document judiciaire ». Le corps-stigmate, qui fait office de « preuve judiciaire » attestant de la violence criminelle, est interrogé « théâtralement » : comment dire scéniquement la « mutilation », la « blessure » ?  Comment le tissu des paroles (des témoins comme des experts) appuyé sur un faisceau de preuves matérielles, physiques, façonne une conviction juridique ? Qu’est-ce, au fond, que rendre justice ?